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Missak et Mélinée Manouchian entrent au Panthéon à l’issue d’une cérémonie émouvante et engagée

Le son nostalgique du duduk a traversé les rideaux de pluie, déjoué les volutes du vent et vibrait encore aux oreilles, alors qu’il s’était déjà tu. Un rêve à l’horizon, composé et joué par Rostom Khachikian, virtuose du hautbois arménien, accompagne, mercredi 21 février à la nuit tombée, la cérémonie de l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, de son épouse Mélinée, et, avec eux, du groupe de Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), qu’il dirigeait. Quatre-vingts ans jour pour jour après l’exécution de ces résistants communistes, pour la plupart étrangers, souvent juifs, au Mont-Valérien, à Suresnes (Hauts-de-Seine), la France fait de ces martyrs des héros. Des Arméniens, des Italiens antifascistes, des Espagnols antifranquistes, des Polonais, des Hongrois, une Roumaine, des « Français d’espérance » , comme le dira bientôt Emmanuel Macron.
C’est bien d’un rêve qu’il s’agit. Ou d’un vœu, celui d’un homme de 37 ans qui va mourir. « Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement », écrit « Manouche » à sa chère Mélinée depuis la prison de Fresnes (Val-de-Marne), avant d’être transféré avec ses compagnons au Mont-Valérien.
C’est aussi le vœu et le rêve d’historiens, de descendants de ces combattants, d’intellectuels, qui s’accomplit, après huit décennies. Annoncée le 18 juin 2023, symbole limpide – auquel s’ajoute néanmoins la volonté de dépasser le gaullisme traditionnel –, la cérémonie de plus de deux heures a été soigneusement pesée. Un couple entre au Panthéon, à l’image de Simone Veil et de son mari, Antoine, mais ce sont bien les résistants communistes et étrangers que le pays célèbre.
Le monument puissamment éclairé domine la place de toutes ses colonnes. Un étroit tapis blanc devant le péristyle descend les quelques marches avant de s’épanouir sur la place où deux supports, sur fond bleu, attendent les cercueils. C’est au chanteur Patrick Bruel qu’a été confiée la mission de lire la dernière lettre de Manouchian à sa femme. Un texte de soldat, d’amoureux, de poète, qui entrevoit la victoire, conscient qu’il ne pourra la savourer. « Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. » Un homme qui proclame n’avoir « aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit », qui pardonne comme un chrétien – « sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus ». Un brave qui, tel Socrate au moment de boire la ciguë, recommande de solder ses dettes, en un poignant et prosaïque post-scriptum.
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