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Antisémitisme : comment Jean-Luc Mélenchon cultive l’ambiguïté

Ce soir d’août 2023, l’heure est aux retrouvailles. Le député socialiste de l’Essonne Jérôme Guedj et Jean-Luc Mélenchon, brouillés depuis quinze ans, dînent ensemble. Quelques semaines plus tôt, les obsèques de leur ami commun Bernard Pignerol ont pavé le chemin de la réconciliation. Le fondateur de La France insoumise (LFI) et son ancien conseiller parlementaire, qui fut longtemps un fils spirituel, passent quatre heures ensemble.
Au cours du repas, Jérome Guedj met sur la table la dernière polémique en date. Le 16 juillet, Jean-Luc Mélenchon a encore dérapé, accusant le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Yonathan Arfi, d’être « d’extrême droite », provoquant l’indignation et réactivant le procès en antisémitisme qui lui est fait. Quand un « homme de gauche » est « traité d’antisémite, c’est qu’il n’est pas loin du pouvoir », théorisait-il en 2018.
Voilà dix ans que les doutes accompagnent les saillies provocatrices de Jean-Luc Mélenchon, depuis qu’il avait accusé Pierre Moscovici, en 2013, de ne « pas penser français », mais « finance internationale ». Une critique qui évoquait un poncif antisémite à travers l’image du banquier juif. Il justifia cette sortie en assurant ignorer la confession de celui qui était alors ministre de l’économie de François Hollande. Mais, peu à peu, le chef de file de la première formation à gauche s’attire l’animosité d’une grande partie des représentants de la communauté juive.
En cette soirée d’été, il persiste et signe : ces accusations seraient faites pour le « discréditer », argue-t-il face à Jérôme Guedj. Ce dernier ne comprend plus son ancien mentor et confie son « énorme colère » vis-à-vis de « quelqu’un d’aussi intelligent qui pose des cailloux de plus en plus gros ». « Il me pousse à questionner ce qui ne devrait jamais l’être », confie au Monde l’élu socialiste, biberonné à la laïcité et qui a toujours refusé de « jouer les juifs de service ».
Le socialiste et l’« insoumis », réunis au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, ne le savent pas, mais les massacres du 7 octobre vont bientôt marquer un point de rupture. Et, pour l’alliance de gauche, le début d’une crise qui aboutira à l’implosion.
D’abord parce que Jean-Luc Mélenchon refuse de qualifier le Hamas, coupable d’exactions envers les civils israéliens, de « groupe terroriste ». Ensuite parce qu’il multiplie les déclarations ambiguës. Il accuse Elisabeth Borne, fille d’un rescapé de la Shoah, de rallier un « point de vue étranger ». Et Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, de « camper à Tel-Aviv » et de ne pas parler « au nom du peuple français ». « Le pire, c’est l’idée de l’anti-France : ça pue les années 1930 », réagit Samuel Lejoyeux, président de l’Union des étudiants juifs de France, en référence au vieux trope antisémite de la double allégeance. Le 3 décembre, il provoque de nouveau l’indignation en qualifiant l’éditorialiste de LCI Ruth Elkrief de « manipulatrice » et de « fanatique ».
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